Le coach n’est-il qu’un agent normalisateur de la performance en entreprise?

Cette assertion quelque peu provocatrice est émise par des sociologues, psychiatres, philosophes fustigeant le coaching qui tendrait vers le contrôle social et l’assujettissement de l’individu à la performance et la compétitivité pour satisfaire les entreprises et leurs impératifs économiques.

Qu’en est-il ?

Dans un contexte où les risques psycho-sociaux et la souffrance au travail font la une, il est nécessaire d’interroger le rôle du coach dont l’accompagnement à la performance est effectivement partie intégrante du métier.

La souffrance au travail

Reine-Marie Halbout, psychanalyste et coach pose la question dans son livre « Savoir être coach »

« ‘L’idéologie managériale’ considère l’individu comme une ressource. Celui-ci risque alors d’être instrumentalisé au service d’objectifs financiers, opératoires, techniques, qui lui font perdre le sens de son action[…] »

Cette perte de sens s’accompagne hélas très souvent d’une baisse de l’estime de soi, d’un désengagement et d’un malaise profond.

Par ailleurs, dans les grands groupes où l’œuvre est le résultat d’une production systémique impliquant la collaboration de milliers de personnes, les individus responsables des résultats obtenus sont pourtant dépossédés de la maîtrise effective de ce qu’ils font. De quoi générer angoisse et perte de repères dans une société où la réussite individuelle reste une injonction forte.

La réalisation au travail

Soyons juste, l’entreprise n’est pas seulement cet espace d’aliénation et de souffrance.  «Elle est un lieu de fabrication de liens, d’intégration sociale, de créativité personnelle et collective et d’élaboration de repères. » Elle est aussi le lieu où l’on exerce son registre de compétences, où l’on apporte son expérience personnelle et où l’on participe à l’édifice collectif.

Et le coach dans tout ça ?

Comment se situe le coach dans ce contexte où le travail est à la fois source de satisfaction et de souffrance? Est-il censé renforcer l’obligation de performance coûte que coûte au détriment de l’individu ? Ou bien va-t-il l’accompagner pour trouver sa place dans un autre rapport au travail qui lui rende valeur et sens ?

Rappelons avant tout que le coaching se veut un espace réflexif où la personne prend du recul par rapport à son quotidien professionnel dans une perspective de développement durable*au sein de l’organisation.

De ce fait, le coaching trouve toute sa place dans un contexte où la complexité génère parfois des paradoxes. Car le coach fait le pari que l’individu, comme le groupe, a la capacité de créer des interactions créatives vers plus d’équilibre et vers la transformation de son environnement. Le coaching est alors posé comme un espace vivifiant dédié au questionnement de la dynamique individuelle au regard du collectif et de son environnement. « Si le coaching se développe, c’est donc qu’il correspond à un besoin profond de trouver de nouveaux repères individuels et collectifs au sein des organisations. »

Des prises de conscience salutaires

L’enjeu est de prendre la mesure des dysfonctionnements tout en interrogeant son propre rapport au dysfonctionnement. Le coaching est une opportunité pour mettre en lumière les injonctions paradoxales, les contradictions, les conflits de valeurs vécues au sein des entreprises, afin de mieux s’en dégager et de retrouver sa créativité au sein de la complexité. Ou de faire le choix de prendre une autre route…

Dans le respect de l’entreprise… et de la personne

Car s’il est essentiel que le coach soit attentif et respectueux de l’organisation qui l’emploie [Le coach est attentif au métier, aux usages, à la culture, au contexte et aux contraintes de l'organisation pour laquelle il travaille. Code de déontologie SFCoaching] il ne doit pas s’engager dans une démarche qui le conduirait à occulter un autre aspect de la déontologie, en usant par exemple de son influence pour pousser la personne à faire un choix conforme à l’entreprise et délétère pour elle-même. Le coach courrait ainsi le risque de perdre lui-même le sens et la valeur de son travail au seul profit de l’obtention d’un contrat.

[Le coach peut refuser une prise en charge de coaching pour des raisons propres à l'organisation, au demandeur ou à lui-même.Code de déontologie SFCoaching]

Coach et performance, oui mais ...

Aussi, le rôle du coach reste celui d’un accompagnant en co reponsabilité avec le coaché et l’entreprise pour une prise de conscience vers un changement positif et dynamique. Dans la plupart des cas, la performance de l’individu est accrue en lien avec sa posture devenue plus claire et confortable, et c’est bien lui le premier bénéficiaire.

Un coaching responsable et éclairé

Empruntons cette conclusion à M.R Halbout :

« Contrairement à ce qu’en disent certains de leurs détracteurs, la plupart des coachs sont des praticiens responsables, engagés dans un questionnement concernant les interactions entre l’individuel et le social. C’est sur cette génération de professionnels exigeants, impliqués dans des processus de recherche et de développement, que repose désormais l’avenir du coaching. Ce sont eux qui feront du coaching une discipline à part entière dans le champ des sciences humaines. »

*développement durable : un développement qui prend en compte trois dimensions : économique, environnementale et sociale.

« Savoir être coach, un art, une posture, une éthique » Reine-Marie Halbout Editions Eyrolles

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